Il y avait en 1890 un cabaret théâtre, Le Divan Japonais, tenu par le poète Jean Sarrasin à qui succéda le fantaisiste Maxime Lisbonne. Yvette Guilbert, chanteuse-diseuse, y triomphait. Sa chanson la plus mémorable, « Madame Arthur ». L’établissement, longtemps resté depuis un cinéma de quartier, a rejoint sa vocation première sous le nom de Divan du Monde. Son adresse, 75 rue des Martyrs.
C’est dans le souvenir du Divan Japonais et de sa chanteuse vedette que se crée, en 1946, 75bis, rue des Martyrs le cabaret Mme Arthur. C’est un cabaret de travestis. Nous sommes dans l’euphorie de l’immédiat après-guerre, propice au succès. Je le découvre et y suis aussitôt engagée. C’est l’époque où on reconstruit et agrandit la scène. La configuration des lieux n’a pas changé depuis.
L’entrée est toute exiguë, et le vestiaire en contrebas. On se trouve dans une sorte de sas qui ouvre sur la salle. On voit à l’autre extrémité, la scène. Proche de l’entrée, le bar. Entre la scène et le bar, trois rangées verticales de tables accolées les unes aux autres. On prévoit quatre personnes par table. On y entasse parfois cinq, six, sept personnes, grâce à l’ajout de tabourets qui encombrent les allées et gênent le service. L’atmosphère n’en est que plus chaleureuse. Au-delà de la salle, les bureaux et une partie des loges. Et dans les étages supérieurs de l’immeuble se situent d’autres loges et les ateliers de couture.
Monsieur Marcel et madame Germaine sont les patrons. Lui est rarement là la nuit. Il a beaucoup d’autres activités. Il vient chaque jour en début d’après-midi superviser les activités des ateliers de couture. Elle « tient » la maison. D’une grande beauté et de beaucoup d’allure, sévère et se faisant craindre, (elle disait respecter) elle domine tout et se tient surtout à l’entrée où c’est elle qui filtre la clientèle. Elle a entre nous la réputation de mépriser et détester les artistes. Barman et surveillant du bar, efficace tout en étant chaleureux et bienveillant, monsieur Gaby, cousin de monsieur Marcel. Une mauvaise tenue risquerait de faire fermer le cabaret.
Il est accompagné d’un petit orchestre. On ignore pratiquement à cette date l’usage des musiques enregistrées. Les musiciens sont placés dans un coin de la scène. Au piano, monsieur Gainsbourg, père de Serge. Le spectacle commence vers onze heures du soir et se termine vers cinq heures du matin. Il est composé de « tableaux » à thèmes qui durent entre trente et quarante minutes et sont séparés par des « entractes » pendant lesquels le public danse sur la scène. Deux hommes ne peuvent danser entre eux. Si cela arrive, l’orchestre arrête de jouer, sur ordre du patron (de la police, avec menace de fermeture pour attentat aux bonnes mœurs.) Le couple masculin rebrousse chemin.
Le public est très nombreux. Chaque nuit, la salle est bondée et se renouvelle parce que le spectacle dure longtemps. (On dit : le permanent Mme Arthur) On a u voir, à deux heures du matin, dans la neige, des queues d’attente s’étirer jusqu’au boulevard. Sauf au bar où les clients sont souvent « gay » comme on ne disait pas à l’époque, 80% du public est apparemment composé d’hétéros qui viennent en couples, en amis. Certains les appellent avec une teinte de mépris des B.O.F. (Beurre. Œuf. Fromage) Il existe en effet à paris un très grand nombre de commerces de proximité (il n’existe pas de supermarchés). On a dit que l’immense succès qu’a remporté Mme Arthur est dû à deux facteurs : la soif d’amusements de l’après-guerre et l’absence de télévision dans les foyers. Il en existe un troisième bien plus important encore : l’excellente animation.
Les travestis gracieux, crédibles, talentueux sont peu nombreux. On les regarde et on les écoute en silence. La plupart des autres sont volontairement burlesques et remportent un grand succès. D’autres encore ne sont qu’inconsciemment burlesques : chanter faux, être mal attifé, mal se tenir en scène. C’est là que les trois serveurs animateurs en jupe écossaise, toujours prêts, entrent en action. Les lazzis fusent, le public s’en mêle. Parfois l’artiste en scène s’interrompt, tient tête, on est en pleine farce. La véritable animation, le cœur et l’âme de la maison, c’est le couple de Maslowa et Loulou.
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La première fois que je suis aller chez Arthur le portier Jean quand il a entendue mon accent Canadien il ma demander si je connaissait Guida ! xxx